Présidentielle : analyse du vote catholique
Artcile publié le 05 mai 2017
Le vote catholique est traditionnellement nettement moins frontiste que la moyenne nationale avec un électorat dont les valeurs d’engagement social, d’accueil, d’ouverture à l’Europe et au principe de subsidiarité sont orthogonales aux propositions du Front National.
A part une frange identitaire active mais très minoritaire, nostalgique d’anciens régimes, les catholiques sont en république et en régime laïque très à l’aise, se répartissant sur tout l’échiquier politique.
Cette fois des chiffres circulent, à prendre avec précaution : le vote frontiste catholique dépasserait les 40 % (sondage Ipsos Sopra-Steria réalisé pour le journal Le Monde daté du 4 mai). Le monde numérique quant à lui, bruit d’appels au vote blanc sous l’impulsion d’acteurs issus de la droite Filloniste.
La communication certes relativement neutre de la conférence des évêques de France ou la communication de Msgr Pontier indiquant « qu’aucun des deux programmes ne correspond totalement aux critères catholiques » pourraient être considérées comme une invitation au ponce-pilatisme mais l’essence de ces communications est autre. Elle est de rappeler qu’il faut voter et choisir – le vote blanc n’est pas envisagé comme une option – et d'éclairer les chrétiens à se forger leur propre opinion en rappelant 7 critères de discernement (dont la construction européenne, l’accueil nécessaire des immigrés, la recherche du bien commun en toute chose, la famille et la filiation).
Par ailleurs les prises de paroles des évêques et cardinaux se multiplient appelant à barrer la route au Front National « La mise en œuvre du discours du Front National serait désastreuse » (Cardinal Barbarin).
Les causes de cette campagne « vote blanc » voir « vote frontiste » est à chercher ailleurs, comment ce glissement est t’il devenu possible ?
Il y a chez beaucoup de catholiques investis sur la famille le sentiment de vivre une triple peine :
1/ Le mariage pour tous en 2013 a été douloureux sur le fond, une valeur-racine profonde et « sacrée » a été atteinte. Egalement la méthode a été très mal vécue : le sentiment d’avoir été méprisé est fort, ce qu’a d’ailleurs relevé Emmanuel Macron
2/ La trahison de "leur candidat" à la présidentielle avec ses conséquences : débat de fond tronqué, candidat éjecté, alternance promise avortée est vécu comme une catastrophe.
3/ Le choix entre l’extrême droite et ceux-la même qui ont provoqués 1/ et en partie 2/ est dès lors vécu comme insupportable et suscite un violent rejet.
Le refus d’appeler à voter contre le FN est structuré autour de cette rancœur entretenue par des comparatifs des programmes où celui d’Emmanuel Macron relativement prudentiel sur ces points (consultation pour la PMA, pas de GPA mais vigilance sur le droit des enfants) apparaît comme une continuation qui prépare les pires dérives (dont la GPA).
Pour ces électeurs qui ont voté massivement François Fillon au premier tour, le critère « famille/filiation » offusque tous les autres, peu importe si des régimes se parant précisément de cette valeur furent dans l'histoire catastrophiques et peu importe la tartufferie programmatique du FN. L’alternative actuelle est en effet vue comme renforçant le « casus belli » de 2013 plutôt qu’une opportunité pour reprendre un dialogue rompu. Pour certains catholiques tout se passe comme si un divorce avait été consommé.
Peut-être que le débat de mercredi soir rappellera à certains de ces électeurs qu’une annonce compatible dans un programme ne suffit pas pour le choix d’un Président et entendront l’appel de nombreux évêques à discerner en globalité. Il est probable au final que le vote catholique évolue pour rejoindre celui de tous les français : la progression relative du vote FN sera importante, celle du vote blanc également et une majorité votera Emmanuel Macron soit par rejet viscéral du FN, soit car il est incontestablement plus rassurant sur le plan économique ou peut-être parce que son souhait de rassembler une société blessée, d’ouvrir des horizons qui redonnent espérance est un gage prometteur d’écoute et de respect de tous.
Xavier Guézou
Co-fondateur et Délégué Général - Institut des Hautes Etudes du Monde Religieux
Tel : +33 (0)1 73 01 90 00
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